RECHERCHE – La perte de mémoire est faiblement prédictive de la maladie d’Alzheimer
Symptôme évocateur, la perte de mémoire n’est pourtant pas systématique au début de la maladie d’Alzheimer et peut aussi être révélatrice d’autres maladies neurodégénératives.
C’est ce qui ressort d’une étude portée par l’Inserm, le CHU et l’université de Lille. Les chercheurs invitent à repenser le diagnostic.
Cette étude, publiée dans la revue Neurobiology of Aging, « se fonde sur des données issues du don de cerveaux de 91 patients souffrant de diverses maladies neurodégénératives dont la maladie d’Alzheimer, mais aussi la dégénérescence fronto-temporale, la maladie à corps de Lewy, de Creutzfeldt-Jakob, ou de lésions cérébrovasculaire progressives », détaille l’institut. Ces travaux questionnent « pour la première fois » la spécificité de l’amnésie dans la maladie d’Alzheimer en s’appuyant sur un diagnostic neuropathologique réalisé post mortem chez plusieurs patients. Ils avaient pour objectif d’étudier si la présence d’une amnésie, évaluée par des tests cognitifs du vivant de la personne, pouvait prédire la présence de manifestations caractéristiques de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau.
Il en ressort qu’un tiers des patients présentant une pathologie Alzheimer n’avait pas de troubles de mémoire. Et « près de la moitié des patients sans pathologie Alzheimer était amnésique ». La perte de mémoire apparaît alors « comme faiblement prédictive », note l’Inserm. Ces résultats confirment que le diagnostic fondé sur l’amnésie comme marqueur systématique de la maladie d’Alzheimer a une pertinence limitée. Cette étude invite donc à repenser la manière dont cette maladie est diagnostiquée, afin de réduire l’errance diagnostique et la mauvaise orientation de certains patients, mais aussi d’améliorer la reconnaissance clinique et sociétale des autres maladies neurodégénératives. Aujourd’hui, chez les patients pour qui la maladie d’Alzheimer est suspectée, l’amnésie est systématiquement évaluée. Et cette pathologie est parfois écartée rapidement en l’absence de perte de mémoire.
Au-delà des implications cliniques, ces résultats ont aussi des conséquences en matière de recherche. En effet, de nombreux essais cliniques visant à tester des traitements contre la maladie d’Alzheimer recrutent leurs participants sur un critère d’amnésie. Associer systématiquement une perte de mémoire à la maladie d’Alzheimer pourrait biaiser les inclusions dans les protocoles de recherche.
Cette étude souligne enfin l’importance de confronter les techniques diagnostiques à l’analyse post mortem du cerveau, « la seule à offrir une preuve formelle de diagnostic », signale l’Inserm. « Pour cela, les chercheurs appellent à une sensibilisation plus large de la population sur l’intérêt du don de cerveau ».
Source : Revue Neurobiology of aging